Aménagement & Urbanisme

ZAN, êtes-vous prêt ? Avis et conseils d’experts pour répondre à ses enjeux

Le 7/02/24 par Auberi GAUDON et Simon DABOUSSY Avocats chez ADDEN Avocats Méditerranée

 

 

Auberi GAUDON et Simon DABOUSSY – ADDEN Avocats Méditerranée

 

Pour CFC Formations, Auberi GAUDON et Simon DABOUSSY ont répondu aux questions posées sur le ZAN et la loi « Climat et résilience ».

 

 

 

 

CFC Formations : Pouvez-vous rappeler les objectifs du « zéro artificialisation nette » (ZAN) définis par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 et leurs échéances ?

Auberi GAUDON et Simon DABOUSSY : L’un des objectifs portés par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite loi « Climat et résilience » est de parvenir à l’absence d’artificialisation nette des territoires d’ici 2050, c’est-à-dire, concrètement, à un solde égal à zéro entre les surfaces nouvellement artificialisées et les surfaces nouvellement désartificialisées. Le bilan surfacique est calculé à l’échelle d’un document d’urbanisme et sur une période donnée.

 

Depuis la loi « Climat et résilience », l’artificialisation est définie par l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». L’objectif du ZAN résulte ainsi d’une volonté de poursuivre une forme de sobriété foncière afin de lutter contre l’étalement urbain, de renforcer la protection des espaces naturels et de préserver la biodiversité.

La loi prévoit une déclinaison de l’objectif ZAN en deux temps : tout d’abord, un objectif de réduction progressive du rythme d’artificialisation par tranche de dix ans en commençant, pour la période 2021-2031, par une réduction de moitié par rapport à la décennie précédente (2011-2021) de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF), c’est-à-dire la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné. S’ensuivra l’objectif ultime de zéro artificialisation nette qui doit être atteint d’ici 2050[1].

 

Afin de parvenir à la réalisation de ces objectifs, la loi prévoit que les documents de planification urbaine intègrent une trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols adaptée à chaque territoire. Pour ce faire, des échéances sont fixées à chaque échelon territorial[2] :

  • au niveau régional, les documents de planification (SRADDET, SDRIF, SAR, PADDUC) doivent intégrer cette trajectoire au plus tard le 22 novembre 2024 ;
  • à l’échelle locale, elle doit être intégrée avant le 22 février 2027 dans les SCoT, et avant le 22 février 2028 au sein des PLU et des cartes communales.

 

Où en est-on de son application ? Quels sont les derniers textes réglementaires parus ?

« De nombreux décrets d’application qui viendront préciser les termes de la loi Climat et de la loi ZAN sont encore attendus puisqu’une centaine de textes avait été annoncée »

Face aux difficultés rencontrées par les acteurs concernés pour la mise en œuvre des objectifs fixés par la loi Climat, la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite loi « ZAN », a été adoptée. Trois décrets d’application ont ensuite été publiés le 27 novembre 2023, complétant les deux précédents décrets en date du 29 avril 2022[3] qui avaient fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat par l’association des maires de France[4].

 

Le décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols apporte des précisions à la nomenclature définissant les catégories de surfaces artificialisées et non artificialisées en vue d’évaluer le solde d’artificialisation nette des sols dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme. Cette nomenclature est annexée à l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme.

 

Le décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols précise les modalités d’intégration et de déclinaison des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme et notamment l’articulation entre l’échelon régional et l’échelon communal pour une meilleure prise en compte des spécificités de certains territoires.

 

Enfin, le décret n° 2023-1098 du 27 novembre 2023 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols apporte des précisions sur sa composition et son fonctionnement. Cette commission a vocation à être saisie en cas de désaccord entre une région et l’Etat sur l’inscription d’un projet au sein de la liste nationale des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur justifiant que la consommation d’espaces qu’ils engendrent soit prise en compte à l’échelle nationale et non communale. La publication de l’arrêté fixant cette liste nationale est prévue pour mars 2024.

 

De nombreux décrets d’application qui viendront préciser les termes de la loi Climat et de la loi ZAN sont encore attendus puisqu’une centaine de textes avait été annoncée par la ministre de la transition écologique lors de la promulgation de la loi « Climat et résilience ».

 

 

Quels sont les outils à disposition des collectivités locales pour déployer un plan d’action afin d’atteindre les objectifs de Zéro Artificialisation Nette sur leur territoire ?

De nombreux outils, introduits notamment par la loi ZAN, sont mis à disposition des collectivités pour les accompagner dans la définition de la trajectoire à intégrer au sein de leurs documents d’urbanisme et pour les aider à atteindre ces objectifs en pratique.

 

Au stade de l’intégration des objectifs au sein des documents d’urbanisme, les collectivités doivent s’efforcer d’identifier les leviers de densification et d’intensification urbaine dont elles disposent. Cela passe notamment par le recensement des gisements fonciers, tels que les friches, et des bâtis vacants disponibles sur leurs territoires (l’outil Cartofriches peut les y aider), mais également par l’identification au sein des SCoT et des PLU des zones préférentielles qui pourront être dédiées à la renaturation.

 

Les collectivités peuvent aussi intégrer dans leur PLU des bonus de constructibilité supplémentaires afin de favoriser les opérations de densification et le recyclage des friches.

 

Au stade de la mise en œuvre des objectifs, le développement des projets qui participent à l’atteinte du ZAN doit pouvoir être soutenu grâce à la mobilisation d’outils budgétaires, comme le fonds vert en faveur d’opérations de renaturation des villes ou de recyclage de friches. Des mesures fiscales en faveur de la mobilisation du foncier existant ont aussi été inscrites dans les lois de finances récentes, telles que l’élargissement du champ d’application territorial de la taxe sur les logements vacants (TLV)[5] ou l’octroi d’exonérations fiscales pour les opérations de surélévation[6] par exemple.

 

Des dispositifs contractuels et opérationnels, tels que les projets partenariaux d’aménagement (PPA)[7] ou les opérations de revitalisation de territoire (ORT)[8] associant l’Etat et les collectivités territoriales, peuvent également être mis à profit afin de porter les projets d’aménagement conciliant enjeux de sobriété foncière, de production de logements et d’intégration de la nature en ville.

 

Des outils permettant de favoriser le dialogue territorial entre les collectivités et l’Etat ont été mis en place telles que les conférences régionales de gouvernance, avec pour but là encore de faciliter la territorialisation des objectifs de réduction de la consommation foncière.

 

Enfin, pour s’assurer de l’atteinte par les collectivités de ces objectifs, celles-ci doivent présenter tous les trois ans un rapport dressant le bilan de la consommation d’espaces et de l’artificialisation des sols sur leur territoire. Le premier rapport devrait d’ailleurs intervenir en 2024[9]. La conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols, qui peut se réunir sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, doit également dresser un bilan de cette mise en œuvre et remettre, courant 2027, un rapport faisant état du niveau de la consommation foncière et des résultats obtenus au niveau régional[10].

 

 

Quelles sont les difficultés auxquelles elles doivent faire face ?

« Le ZAN se heurte également en pratique à l’inadaptation potentielle des objectifs fixés aux besoins d’aménagement notamment en raison des inégalités territoriales. »

Tout d’abord, les régions sont tenues par des délais relativement contraints par rapport à la temporalité habituelle de la planification urbaine. Bien que la loi ZAN ait rallongé les délais de mise en conformité des documents d’urbanisme[11], ceux-ci arriveront rapidement à échéance puisqu’il reste déjà moins d’un an aux régions pour fixer leur trajectoire au sein du SRADDET ou du document équivalent (SDRIF, SAR, PADDUC).

 

Les communes et intercommunalités sont quant à elles tributaires des échelons supérieurs. Elles ne peuvent pas s’engager dans la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation de leurs territoires tant que la trajectoire n’a pas été définie dans le document de planification urbaine à l’échelle régionale. Elles risquent ainsi de se retrouver entravées et de prendre du retard dans la mise en œuvre des objectifs.

 

A noter toutefois que la loi prévoit que si les documents de l’échelon régional n’ont pas intégré la trajectoire ZAN dans les délais prévus, un objectif uniforme de réduction de 50 % de la consommation d’ENAF sera appliqué aux documents de l’échelon inférieur. En outre, s’il y a carence du SCoT dans l’intégration des objectifs, les ouvertures à l’urbanisation de certains secteurs seront suspendues jusqu’à l’entrée en vigueur du SCoT révisé ou modifié. Enfin, en cas de carence du PLU ou de la carte communale, aucune autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée dans les zones à urbaniser ou dans les secteurs constructibles jusqu’à l’entrée en vigueur du document d’urbanisme intégrant les objectifs de ZAN[12]. Le ZAN se heurte également en pratique à l’inadaptation potentielle des objectifs fixés aux besoins d’aménagement notamment en raison des inégalités territoriales. Les communes rurales n’ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes ressources foncières que les grandes villes.

 

Certaines collectivités doivent en outre concilier les objectifs de production de logements, notamment sociaux, auxquels elles sont tenues avec ceux résultant du ZAN qui pourraient ainsi entraver la réalisation de certains projets en dépit de leurs bénéfices pour les territoires. Bien que le bilan surfacique ne s’effectue pas à l’échelle d’un projet, les exigences résultant du ZAN rendront plus compliquée la mise en œuvre de projets à enjeux économiques qui auraient pour effet de favoriser l’attractivité d’un territoire et de créer des emplois mais qui génèreraient corrélativement un besoin logements et d’équipements, conduisant in fine à une consommation d’espaces naturels trop importante.

 

Enfin, les collectivités doivent aussi faire face aux difficultés liées à la dimension économique du ZAN, notamment en raison du coût plus élevé des opérations de densification par rapport à celles reposant sur une extension urbaine et qui est de nature à freiner la réalisation des projets. Des craintes ont enfin pu surgir quant aux conséquences du ZAN sur la fiscalité locale qui pourrait être moins rémunératrice en raison de la limitation de l’étalement urbain.

 

Les textes législatifs et réglementaires évoqués ont toutefois tenté d’anticiper ces difficultés en imposant la territorialisation des objectifs définis et en prévoyant des dispositifs fiscaux et financiers incitatifs en faveur de la densification urbaine et de la réutilisation des surfaces déjà artificialisées.

 

« Anticiper au maximum l’intégration des objectifs dans les documents d’urbanisme »

Quels conseils donneriez-vous aux collectivités pour faciliter l’atteinte des objectifs de ZAN ? Et quelles sont leurs marges de manœuvre ?

De manière générale, nous ne pouvons que leur conseiller d’anticiper au maximum l’intégration des objectifs dans les documents d’urbanisme et de mobiliser l’ensemble des outils réglementaires qui sont mis à leur disposition pour les atteindre.

 

A cet effet, les collectivités qui en ressentent le besoin doivent se faire accompagner pour la mise en œuvre de leur politique urbaine et foncière par des acteurs spécialisés dans l’ingénierie tels que les établissements publics fonciers et les agences d’urbanisme.

 

La loi ZAN du 20 juillet 2023 a par ailleurs mis en place des dispositifs transitoires permettant aux communes d’anticiper la mise en œuvre des objectifs dans l’attente de la mise à jour de leurs documents d’urbanisme, telle que la possibilité d’opposer un sursis à statuer aux demandes d’autorisation d’urbanisme portant sur des projets fortement consommateur d’ENAF et qui risqueraient de contrarier les objectifs qu’elles devront atteindre[13]. On peut également citer le droit de préemption « ZAN » qui permet à une collectivité titulaire du droit de préemption urbain d’identifier sur son territoire des secteurs prioritaires à mobiliser au regard de leur potentiel foncier, tels que des terrains ayant un potentiel pour la renaturation ou encore la réhabilitation de friches[14].

 

La loi ZAN assouplit également les conditions d’atteinte des premiers objectifs fixés à l’échéance 2031 en octroyant une certaine marge de manœuvre aux collectivités.

 

Dans le cadre de la territorialisation des objectifs à l’échelon régional ou intercommunal, la garantie communale de développement permet ainsi aux communes couvertes par un document d’urbanisme prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026 de bénéficier d’une surface minimale d’un hectare de consommation d’ENAF qui ne sera pas soumise aux objectifs de ZAN. Cette garantie peut être mutualisée au niveau intercommunal.

 

Certaines collectivités pourront également bénéficier d’une garantie « trait de côte » suivant laquelle les surfaces artificialisées situées dans une zone exposée au recul du trait de côte à horizon 30 ans pourront être considérées comme désartificialisées dès lors que ces surfaces ont vocation à être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du territoire littoral.

 

Les communes et intercommunalités conservent quant à elles une marge de manœuvre liée au fait que SCoT, PLU(i) et cartes communales sont seulement tenus à une obligation de compatibilité, et non de conformité, vis-à-vis des documents de l’échelon régional qui auront intégré en premier lieu la trajectoire ZAN. Elles pourront dans ce cadre également adapter au mieux cette trajectoire aux spécificités de leur territoire, tout en veillant à ne pas trop s’écarter du document de rang supérieur sous peine de s’exposer à une censure au stade du contrôle de légalité exercé par le représentant de l’Etat ou dans le cadre d’un recours contentieux.

 

Pour plus d’informations sur le ZAN, le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a édité un guide synthétique consultable en ligne.

 

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[1] Cf. article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

[2] Les délais initialement fixés par l’article 194 IV de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ont été rallongés par la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023.

[3] Décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires et décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme.

[4] Le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 a été partiellement annulé par le Conseil d’Etat : voir CE 4 octobre 2023 AMF, req. n° 465341. En revanche, le Conseil d’Etat a rejeté la requête dirigée contre le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 : voir CE 4 octobre 2023 AMF, req. n° 465343.

[5] Cf. décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts

[6] Cf. article 150 U du code général des impôts.

[7] Cf. articles L. 312-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[8] Cf. article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation.

[9] Cf. article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales.

[10] Cf. article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales.

[11] La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 avait initialement prévu que les documents de l’échelon régional devaient avoir intégré la trajectoire ZAN dans un délai de deux ans à compter la promulgation de la loi soit avant le 24 août 2023 au plus tard, les SCoT dans un délai de cinq ans soit au 24 août 2026 et les PLU et cartes communales dans un délai de six ans, soit au 24 août 2027 (voir article 194 de la loi).

[12] Cf. article 194 IV 5° de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

[13]  Cf. article 6 de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023.

[14] Cf. article 6 de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 créant l’article L. 211-1-1 du code de l’urbanisme.