Projet de simplification de la commande publique : mesures, limites et pistes de réflexion
Renaud GAYTON, consultant et formateur, intervient sur de nombreux thèmes pour CFC Formations. En matière d’exécution des marchés publics, de passation et rédaction des contrats, sur des thèmes transverses ou ciblés, ainsi que sur l’actualité des marchés publics.
Il a occupé plusieurs postes dans le secteur public (Territorial, Etat) pendant une quinzaine d’années : responsable de la sécurité juridique des marchés publics / expert en ingénierie d’achat / responsable achats et marchés.
Il a été fonctionnaire, salarié du secteur privé, contractuel de droit public et indépendant.
Renaud GAYTON, le sujet de la simplification est d’actualité, c’est une bonne chose ?
Oui bien sûr, même si le sujet n’est pas nouveau. On le retrouve quasiment à chaque réforme. Dans l’immédiat, le projet de Loi de simplification de la vie des entreprises et le projet de Décret de simplification de la commande publique ne verront pas le jour comme prévu initialement avant la nomination d’un nouveau gouvernement. Beaucoup de mesures pourraient voir le jour, mais peut-être pas avant le 31 Décembre !
Quelles mesures proposées vous semblent simplificatrices pour les acheteurs ?
Pour les structures de petite taille, on pense à la pérennisation du seuil de dispense de mise en concurrence à 100 000 € en travaux, prévue dans le projet de Décret. On pourrait citer aussi la mesure relative à l’accord cadre mixte (qui n’en serait pas un mais avec un fonctionnement somme toute relativement proche). Pour certains acheteurs, l’on pourrait citer une disposition envisagée par le Sénat revenant à exclure de la passation des marchés les sociétés n’ayant pas publié leurs comptes dans les 2 années précédentes.
Et pour les entreprises, quelles mesures simplificatrices ?
Quasiment toutes les autres. En tout cas dans le projet de Décret. On peut citer une nouvelle possibilité de modification de la composition des groupements en cours de passation, un encadrement de l’exigence d’une forme juridique déterminée pour les groupements, une avance minimale à 30 % aux PME pour tous les acheteurs (projet de Loi), la simplification de la date de fin du remboursement de l’avance, l’abaissement de 5 % à 3 % du montant maximum de la retenue de garantie pour les PME, ou encore l’uniformisation de certaines règles applicables aux EPIC avec les autres acheteurs. On pourrait même citer l’idée qui a circulé d’unification du contentieux de la commande publique auprès du juge administratif.
Mais il faut bien noter que certaines mesures envisagées sont simplificatrices, ou au moins présentent un intérêt, à la fois pour les acheteurs et les entreprises.
On pourrait citer par exemple l’autorisation systématique des variantes sauf mention contraire, quelle que soit la procédure de passation, ou encore l’élargissement de la notion d’achat innovant aux achats liés à l’économie circulaire.
Y’a-t-il des limites à ces mesures simplificatrices ?
Comme dans toute Loi, peuvent se glisser avec la simplification des mesures qui n’ont rien à voir avec l’objectif affiché. Un autre risque sous-jacent serait d’aller trop loin, et de croire qu’une simplification à outrance va régler tous les problèmes, alors qu’ils seraient en réalité infiniment plus graves.
Mais surtout une limite serait de croire que la simplification ne dépend que de la Loi. Personne n’empêche les acheteurs qui le souhaitent de simplifier la rédaction de leurs marchés, et même de simplifier leurs procédures internes. Très rares (mais ils existent) sont les acheteurs qui ont utilisé au maximum ces deux leviers.
Il s’agit de leviers importants ?
Énormes. Mais pas toujours prioritaires, et on peut aussi le comprendre tant les situations sont différentes d’un acheteur à l’autre. On voit fréquemment des marchés d’une longueur disproportionnée par rapport aux enjeux, avec parfois des informations redondantes, voire contradictoires. Bien sûr la longueur peut aussi être justifiée. Les situations complexes sont certes nombreuses, mais de mon point de vue pas toujours corrélées avec l’utilisation d’outils contractuels complexes. Des fois on fait compliqué et on pourrait faire simple, parfois c’est l’inverse. On devrait voir beaucoup plus de marchés et accords-cadres qui font 20-30 pages, plutôt que le double. Ce type de simplification est bénéfique à tous, entreprises comme acheteurs.
Pourquoi cette situation ?
Parce que ce n’est pas simple de simplifier. Particulièrement pour les procédures internes. En réalité cela nécessite une expertise, une écoute et une vision d’ensemble très développées. Du temps, aussi. Parce que les priorités managériales ne sont pas toujours celles-çi. Parce que chaque procédure interne à sa raison d’être et c’est un travail important, voire colossal selon la taille de la structure, de mettre tout à plat et simplifier ce qui peut l’être. Au demeurant avec la possibilité qu’à l’arrivée on maintienne telle ou telle procédure. Parce qu’il y a des résistances. Parce que parfois des interlocuteurs ne se comprennent pas. Parce qu’aussi beaucoup d’autres choses se jouent en matière d’achat public. Parfois même il n’existe pas la moindre volonté de simplification.
Quelles sont ces pistes « internes » de simplification possibles ?
Elles n’ont rien à voir selon les organismes acheteurs. Leur taille, leur objet, leur histoire notamment. Elles sont très nombreuses mais on pourrait citer bien sûr l’optimisation rédactionnelle des marchés ET des procédures internes, la prise en compte d’échanges suffisants entre les premières ébauches de définition du besoin et la rédaction définitive, ou encore l’utilisation optimisée de l’accord cadre, y compris mixte, et y compris dans la passation et la rédaction des marchés subséquents.
Simplifier c’est aussi rendre attractifs les cahiers des charges, ce qui est évidemment intéressant pour les acheteurs qui souhaitent élargir la concurrence. On pourrait également se demander plus systématiquement quel temps l’entreprise va passer à répondre (ou ne pas passer justement).
La simplification au niveau candidature est un vrai sujet, et l’avènement d’un dispositif proche de l’ancienne expérimentation « MPS » qui permettait de candidater sur la base d’un simple numéro de SIRET, par exemple, pourrait amener une large simplification.
En interne il n’existe pas une seule recette toute faite qui serait valable pour tous les acheteurs ni pour tous les achats.
Et plus encore il ne faut pas non plus négliger les pistes organisationnelles, managériales et bien sûr humaines qui sont au moins aussi déterminantes, mais je ne crois pas que ce soit le sujet içi.
Avec le recul, vous y croyez à la simplification ?
En partie. Prudemment. Mais mon admiration ira toujours vers ce qui va dans le sens de l’intérêt général. Je souhaite que ceux qui veulent simplifier y parviennent, et sans « recomplexifier » dans la foulée.. Souvenons de l’avènement de la procédure adaptée il y a 20 ans. Une réglementation tout à fait épurée, qui répondait à la demande de nombreux praticiens. Liberté et responsabilisation en somme. Puis de nombreuses questions posées face à l’incertitude. Et parfois des règles internes instaurées encore plus contraignantes que ce qui existait avant. Les possibilités de simplification n’ont pas toujours été saisies. Savoir composer avec l’incertitude me semble fondamental.
***
Envie de vous former sur le sujet ?
Découvrez ici nos formations :
- Réglementation et actualité des marchés publics
- Cycle actualités des marchés publics
- Passation des marchés publics et rédaction des pièces