Les enjeux de la propriété intellectuelle dans les marchés informatiques.
Après avoir occupé différents postes d’auditeur achats et de directeur administratif et financier, Gilles DUVAQUIER devient en 2009 Chef de section « Chorus » en lien avec l’AIFE, puis en 2010 Chef de section « achats innovants » dans le cadre de la professionnalisation des acheteurs. De 2015 à 2018, il a exercé la mission de Chef de division « liquidation et mandatement de marchés » à la DGA. Aujourd’hui il exerce en tant que consultant indépendant depuis 2018 et intervient auprès de la Direction des Achats de l’État et des collectivités locales.
Pour CFC Formations, Gilles DUVAQUIER conçoit et anime notamment des formations sur les marchés globaux de performance, les marchés publics de communication, informatiques et de fournitures et services.
CFC Formations : Comment est articulée la nouvelle clause de propriété intellectuelle consacrant la cession à titre non exclusif du résultat dans les marchés publics ?
Gilles DUVAQUIER : Cette clause, intégrée dans tous les CCAG – à l’exception de la maîtrise d’œuvre – a été rédigée par l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat (APIE) de la Direction des Affaires Juridiques (Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique), remplaçant le système à options A ou B de 2009, lequel par défaut conférait seulement une concession du résultat pour l’acheteur public.
Elle se veut juste et équilibrée en permettant à l’acheteur de disposer du résultat, tout en s’engageant à ne pas en faire un usage commercial. Quant au titulaire, il peut également utiliser ledit résultat, à l’exception de ceux confidentiels et personnels, pour d’autres clients.
Quel est l’apport de cette cession du résultat pour les marchés informatiques ?
En application de l’article 16 de la loi pour une République numérique (Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016) les administrations publiques doivent veiller à préserver la maîtrise, la pérennité et l’indépendance de leurs systèmes d’information.
Ainsi, cette nouvelle rédaction de la clause permet dorénavant aux acheteurs de faire assurer la maintenance des SI par tout tiers et de pouvoir diffuser les résultats sous licence libre et open source sur les sites publics ad hoc : data.gouv.fr, code.gouv.fr, api.gouv.fr, etc.
Progressivement, en disposant du résultat, les acheteurs publics pourront donc limiter leur dépendance à certains industriels dont le modèle économique est basé sur le format propriétaire.
Cette démarche est positive car elle s’inscrit dans la favorisation du principe de mise en concurrence.
Depuis la mise en application du nouveau CCAG-TIC, notamment en matière de PI, quels ont été les principales difficultés ou opportunités pour les acheteurs que vous avez pu observer ?
En terme de difficultés, certains acheteurs se sont vu contraints de renoncer à la nouvelle clause de propriété intellectuelle lorsque l’opérateur économique est en situation de monopole. Dans ce cas, ladite société prend parfois directement attache auprès de l’acheteur en lui expliquant que son modèle économique ne peut accepter de voir son outil industriel communiqué à la concurrence, de quelconque manière qui soit, et d’insister pour que l’acheteur réintègre le modèle de la concession dans son cahier des charges.
Face à cette situation, il appartient à l’acheteur de mesurer en toute objectivité les enjeux de la cession et souvent de les relativiser car les usages à titre commercial sont assez rares et les besoins d’indépendance sont souvent limités.
En opportunités, des acheteurs ont déjà pu observer que la mise à disposition de la documentation technique alliée à la cession du résultat ont permis de remettre en concurrence la maintenance des SI. Ainsi, le périmètre d’un marché de maintenance peut alors comprendre plusieurs applications dont la maintenance individuelle était plus coûteuse. Ces économies d’échelle seront progressivement plus importantes, au fur et à mesure que les architectures système et les API seront communiquées par les acheteurs dans le but d’améliorer la connaissance des opérateurs économiques en amont de la phase de passation des marchés. Et ce, d’autant plus, avec le recours à la plateforme APProch où la programmation des marchés des acheteurs des trois fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales et domaine hospitalier) est partagée avec les opérateurs économiques.
<< Au-delà du travail remarquable de l’APIE sur la clause unique de propriété intellectuelle, l’acheteur et le prescripteur seront fondés à développer le sourcing sur les modèles économiques du marché fournisseurs, et notamment sur le licensing et la propriété industrielle. >>
Quels conseils pouvez-vous donner aux acheteurs ?
Au-delà du travail remarquable de l’APIE sur la clause unique de propriété intellectuelle, l’acheteur et le prescripteur seront fondés à développer le sourcing sur les modèles économiques du marché fournisseurs, et notamment sur le licensing et la propriété industrielle.
L’évolution du support en mode d’hébergement cloud (Saas, Paas, Iass, etc.) nécessite de s’approprier les modèles existants afin d’éviter une prescription en déconnexion avec le marché fournisseur, laquelle pourrait mener à une procédure infructueuse.
Au contraire, en présentant l’écosystème actuel des SI de la personne publique avec une cartographie ad hoc et en déclinant son besoin fonctionnel, précisé par des niveaux de flexibilités éventuelles, l’acheteur responsabilisera l’opérateur économique en toute transparence et lui garantira un accès plus aisé à la commande publique.
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