VRAI ou FAUX ? 5 idées reçues sur la programmation architecturale
Asja BAJBUTOVIC, architecte programmiste, répond pour CFC Formations à 5 affirmations sur la programmation architecturale.
Dirigeante du cabinet AB PROGRAMMATION, Asja BAJBUTOVIC est spécialisée dans les études de faisabilité, de programmation et d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour l’organisation de la consultation des maîtres d’œuvre et le suivi des études. Auparavant, elle était responsable de la programmation architecturale dans l’agence Clé Millet International pendant plus de 8 ans.
Pour CFC Formations, Asja BAJBUTOVIC anime notre formation sur la programmation architecturale, technique et fonctionnelle d’un ouvrage public.
« Le but de la programmation architecturale est d’écrire le programme détaillé pour pouvoir lancer la consultation des concepteurs pour un projet de construction » : VRAI ou FAUX ?
L’objectif final est, en effet, de rédiger un programme détaillé, qui est le cahier des charges pour la consultation de la Maîtrise d’œuvre et pour le développement du projet.
Mais, le programme est le résultat d’un travail et non le but en lui-même. Avant de pouvoir le rédiger, il s’agit de mener l’étude de programmation, sur plusieurs mois. C’est une démarche de travail itérative avec les utilisateurs, les décideurs et d’autres partenaires concernés par le sujet, qui permet de réaliser une analyse de l’existant et des dysfonctionnements, de définir les besoins, ensemble avec les utilisateurs, de vérifier la faisabilité spatiale, réglementaire, technique et économique du projet, en donnant au Maître d’ouvrage les outils de décision pour engager l’opération, ou pas. Elle permet de clarifier les objectifs du Maître d’ouvrage, d’identifier les obstacles et les risques qui peuvent apparaître, de faire mûrir le projet, puis de lui permettre de réorienter l’opération si c’est nécessaire. Seulement après ce travail, il est possible de rédiger un programme.
Certains Maîtres d’ouvrage se précipitent dans la rédaction du programme, pour lancer la phase opérationnelle des projets insuffisamment définis et solides. C’est une erreur : quelques semaines ou mois de réflexion en amont permettent d’économiser des mois ou des années de dérapage du projet dans la suite.
« Les études de diagnostic seront réalisées par le Maître d’ouvrage, il n’y a pas besoin de les faire pendant la programmation » : VRAI ou FAUX ?
C’est totalement faux. Certains diagnostics seront à faire au début des études de conception, ceux qui sont liés au projet du Maître d’œuvre. Mais, si aucun diagnostic n’est réalisé pendant les études de programmation, notamment sur les structures, charpentes, clos/couvert… des incertitudes resteront fortes, avec un risque de remise en cause de la faisabilité technique ou économique du projet.
Si la MOE est engagée sur cette base incertaine, le risque de l’échec du projet ou du dépassement budgétaire est très élevé. Les modifications du projet qui vont en découler et la reprise des études de MOE vont devoir être payées. Le nombre de chantiers qui ont dû être interrompus au début des travaux à cause des découvertes trop tardives est grand, avec toutes les conséquences financières que cela représente pour tous les intervenants.
Ces diagnostics sont à la charge de la Maîtrise d’ouvrage. Les programmistes fournissent, à la suite d’une analyse technique visuelle du site, une liste des diagnostics techniques à réaliser, destructifs ou pas.
Sur des sites patrimoniaux, il convient également de se rapprocher, assez tôt dans le temps, des services d’archéologie et de monuments historiques, pour les diagnostics patrimoniaux.
« La mission de programmation peut être assumée en interne au sein de la Maîtrise d’ouvrage ou de la Maîtrise d’œuvre » : VRAI ou FAUX ?
C’est vrai… et faux.
Certains Maîtres d’ouvrage disposent des services en interne qui sont outillés et compétents pour réaliser les études de programmation. Cela ne pose aucun problème, c’est tout à fait légal : sur des projets publics, le Maître d’ouvrage a l’obligation de produire un programme avant d’engager les concepteurs. Est-ce que ce sera fait en interne ou par un prestataire externe, libre à lui de choisir.
En revanche, le Maître d’ouvrage ne peut pas dire « je prendrai directement un architecte concepteur, sans faire le programme, il saura ce qu’il faut faire ». Et pourtant, il y a encore des Maîtres d’ouvrage qui ignorent l’importance de la phase de programmation dans chaque opération et mettent tout dans le sac « conception ».
D’abord, le Maître d’œuvre n’est pas responsable de la définition des besoins et, en général, il n’est pas payé pour ça. C’est le Maître d’ouvrage qui en a la responsabilité, aidé par le programmiste, interne ou externe. Ensuite, la loi impose une distinction entre l’étude de programmation et les études de conception.
Un Maître d’œuvre a tout à fait droit de réaliser des études de programmation par ailleurs, mais pas sur des projets pour lesquels il assure la mission de conception.
« Le programmiste est toujours membre du jury du concours de maîtrise d’œuvre » : VRAI ou FAUX ?
C’est faux, car le programmiste ou l’AMO n’est jamais membre du jury du concours, même à voix consultative. Son rôle est de préparer les travaux du jury, de faire une pré-analyse des candidatures et des offres, de manière très détaillée. Il « décortique » les dossiers, afin de vérifier s’ils répondent aux demandes du Maître d’ouvrage exprimées dans le programme et dans le dossier de consultation. Il s’agit de plusieurs journées de travail dense de lecture, d’analyse, de vérifications transversales, puis de synthèse.
Les membres du jury ne participent pas à ce travail préalable, ils utilisent ses conclusions lors de la séance de sélection, au lieu de passer des heures à lire et étudier les dossiers un par un. Évidemment, les membres du jury ont la possibilité de consulter les candidatures et les offres directement pendant la session du jury.
Le programmiste / AMO participe à cette réunion comme « rapporteur », c’est-à-dire il présente au jury le rapport de pré-analyse des candidatures et des offres pour exposer une synthèse de chaque dossier. Ensuite, il reste présent à la réunion pour répondre aux éventuelles questions du jury sur les points particuliers des dossiers. Mais, à aucun moment, il ne fait le classement ou le vote, ce n’est pas son rôle.
« Le programme peut être modifié pendant les études de Maître d’œuvre » : VRAI ou FAUX ?
C’est vrai : le programme évolue en parallèle avec les études de conception, il n’est pas figé à la fin de la phase de programmation détaillée. Suivant des propositions amenées par les concepteurs, le Maître d’ouvrage peut décider de valider telle ou telle modification du programme.
Cette évolution peut avoir lieu jusqu’à la fin de la phase APD.
Pourquoi pas après ? Parce que, tout simplement, le coût des travaux doit être arrêté contractuellement à la fin de l’APD, entre le Maître d’œuvre et le Maître d’ouvrage. La loi l’impose.
Après l’APD, le projet entre dans une phase opérationnelle, pour préparer le début des travaux. Continuer à modifier le programme nécessiterait les modifications des pièces écrites et graphiques, l’actualisation du chiffrage et du calendrier, avec des répercussions sur la rédaction des CCTP et les plans d’exécution. De plus, il s’agirait d’un travail supplémentaire qui nécessiterait une rémunération du MOE et un allongement du calendrier de l’opération. Ainsi, le Maître d’ouvrage n’a aucun intérêt de permettre que le programme évolue à l’infini.
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