La professionnalisation des acheteurs publics : enjeux, actions menées et contraintes
Après avoir occupé différents postes d’auditeur achats et de directeur administratif et financier au sein du Ministère des Armées, Gilles DUVAQUIER devient en 2009 Chef de section « Chorus » en lien avec l’AIFE, puis en 2010 Chef de section « achats innovants » dans le cadre de la professionnalisation des acheteurs. De 2015 à 2018, il a exercé la mission de Chef de division « liquidation et mandatement de marchés » à la DGA.
Depuis 2018 il exerce en tant que consultant indépendant et intervient auprès de la Direction des Achats de l’État et des collectivités locales.
Pour CFC Formations, Gilles DUVAQUIER conçoit et anime notamment des formations sur les marchés globaux de performance, les marchés publics de communication, informatiques et de fournitures et services.
Initiée dans les années 2010 et pilotée alors par le Service des Achats de l’Etat (SAE), la professionnalisation des acheteurs publics a connu son essor avec la transposition des directives européennes de 2014 en droit national par la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’Economie et des finances et la gouvernance achat par la Direction des achats de l’Etat (DAE) créée en 2016.
La circulaire du 19 juillet 2016 a exhorté les responsables ministériels achat (RMA) à renforcer la professionnalisation afin d’être dotés d’agents formés et spécialisés dans l’achat, animés par une logique de performance, laquelle se décline en efficacité et efficience.
Au niveau territorial, le CNFPT a décliné des fiches métier sur l’achat public et il propose des formations au niveau des responsables des achats, centrées sur de la stratégie, des problématiques organisationnelles et de positionnement du responsable des achats.
Quels sont les outils à disposition d’un acheteur pour professionnaliser ses missions ?
Sourcing/ouverture vers l’extérieur l’innovation
Le sourcing (ou sourçage) est un axe prioritaire pour mieux connaître l’offre fournisseur, en amont de la consultation, réduisant ainsi les risques d’infructuosité de procédure liés à une incompatibilité entre l’offre et la demande. Il s’agit de mieux connaître les orientations stratégiques du marché fournisseurs mais également de bien adapter les annexes financières aux modèles économiques mis en œuvre.
Au-delà de la simple pratique du moteur de recherche, des logiciels de sourcing (pratique du e-sourcing), intégrant aujourd’hui de l’intelligence artificielle, peuvent être mis en place auprès de l’acheteur pour lui permettre de connaître avec une meilleure exhaustivité les opérateurs économiques capables de répondre au besoin, mais également capter des innovations prometteuses, à haute valeur ajoutée.
Politique et stratégie achat
Le projet de Schéma directeur de la politique de formation professionnelle Etat 2024-2026 définit quatre priorités stratégiques, portées par la DAE, pour les métiers de l’achat :
1. Renforcer les capacités des acteurs du domaine achat pour faire des achats un levier efficace de la transition écologique des services de l’État. Les objectifs fixés pour 2024 consistent à intégrer :
a. Une considération sociale dans 25 % des marchés des ministères des établissements publics.
b. Des considérations environnementales dans 80 % des marchés des ministères et des établissements publics.
2. Former les approvisionneurs à la maîtrise des consommations et au respect des engagements contractuels ;
3. Développer les compétences transversales entre fonctions achat et finances ;
4. Dispenser davantage de formations achats publics dans les écoles d’application de l’État.
Plateforme numérique APProch
Pour fonder sa stratégie achat dès le stade de la programmation, la Direction des achats de l’Etat a mis en place la plateforme numérique APProch afin de partager la programmation avec le marché économique, permettre aux opérateurs de faire valoir leur intérêt (sourcing actif) mais également de rechercher des partenaires en amont de la consultation.
Avantage du mode Saas (« Software as a service » – Logiciel en tant que Service), cet outil est mis à disposition des trois fonctions publiques, convergeant ainsi les pratiques entre les acheteurs publics, ce qui améliore la cohérence des acteurs publics et leur compréhension par les opérateurs économiques.
Enfin, à l’instar du secteur privé, les acheteurs publics se dotent progressivement d’un véritable Systèmes d’Information Achat (SIA), intégrant les phases successives du processus achat : programmation, définition de la stratégie, planification, sourcing, passation et performance achat.
Quels bénéfices peut-on retirer de cette plateforme ?
Au plan de la performance achat, le SIA et son écosystème permet de mieux mesurer les économies achat aux stades du sourcing, de l’attribution mais surtout au niveau de l’exécution du marché, en prenant en compte les avenants passés.
Cette performance achat est à distinguer de l’économie budgétaire car elle prend en compte d’autres dimensions, notamment celle de l’achat responsable.
Cette plateforme permet également de développer et stimuler le marché économique. En effet, distinguer les modèles économiques et, à partir de demandes d’informations (RFI – Request For Information), mieux connaitre les avantages, les contraintes et les limites de ces solutions, constituent des opportunités pour cibler davantage l’offre économiquement plus avantageuse, plutôt que de paraphraser un ancien cahier des charges qui n’est plus adapté au monde concurrentiel.
Des bonnes pratiques notables à généraliser
Progressivement, les acheteurs publics tirent partie des nouvelles techniques achats.
En premier lieu, le recours aux accords-cadres s’est développé, intégrant aussi bien une part à bons de commande que des marchés subséquents, lesquels peuvent être passés par d’autres acheteurs selon les modalités de passation technique et financière définies dans l’accord-cadre.
Afin de capter les innovations en s’assurant de leur pérennité, les acheteurs demandent aux soumissionnaires et aux titulaires des preuves de concepts (POC : proof of concept) dans des procédures avec négociation et en dialogue compétitif.
A ce titre, le partenariat d’innovation qui est passé obligatoirement par une procédure avec négociation suscite un intérêt particulier et de premiers résultats prometteurs.
Face à des ressources contraintes, le recours au marché de partenariat, dont le financement est assuré par le partenaire privé, constitue également une solution opportune pour satisfaire un besoin complexe à définir techniquement.
Enfin, pour atteindre des objectifs de performances énergétiques, les marchés globaux de performance (MGP) sont en plein essor dans les différentes administrations.
Encore des freins qui empêchent les acheteurs à mettre en place ces outils ou techniques d’achats
La première problématique à laquelle sont confrontées de nombreux acheteurs publics est organisationnelle et structurelle. Confronté à des nécessités d’efficience qui ont des impacts organisationnels, les effectifs sont contraints et les prescripteurs font face à une technicité plus accrue dans les différents domaines. Si les outils d’e-sourcing sont souvent mis en œuvre auprès des acheteurs publics, il est important à présent que les prescripteurs soient également formés et disposent de l’accès à ces mêmes outils afin d’assurer une cohérence du processus.
Le Code de la commande publique a ouvert à de nombreuses procédures et techniques d’achat qui, lorsqu’elles ont été mises en œuvre sans maîtrise réglementaire et de pratiques achat, ont échaudées certains acheteurs publics. L’exemple de certains échecs en partenariats publics privés (PPP), puis en marchés de partenariat, a conduit le Ministère de l’Economie (Fin infra) à proposer un accompagnement qui a du sens, seulement si les acheteurs sont formés de manière opérationnelle en amont !